Bilan de l’opération « Bibliothécaires sous couverture »

Piloté par M. Indiana, biblioaventurier émérite, le nouveau dispositif de recueil de données sur les usages de nos publics a été déployé avec succès tout au long du mois d’avril. Un commando-choc de six bibliothécaires chevronnés s’est infiltré dans les rangs des usagers pour en observer les pratiques, collectant de précieuses données comportementales traitées ensuite par les analystes du service Renseignement stratégique de l’UBU. L’ensemble des informations ne sera déclassifié que 70 ans après le décès du dernier survivant du groupe de travail. Par souci de transparence, nous en livrons cependant ici quelques éléments clés.

Camouflage : l’art de se fondre dans le décor

Tels des caméléons, nos observateurs d’élite ont su se dissimuler aux yeux de leur cible en faisant preuve d’inventivité. Les plus jeunes d’entre eux ont ainsi revêtu l’uniforme de l’étudiant en respectant ses variantes disciplinaires : bouchons d’oreilles et yeux cernés en BU Médecine, poussière de craie ou balles de jonglage en BU Mathématiques et Arts du spectacle, vêtements amples et djembé en BU Thélème… Les autres ont poussé plus loin encore l’art de la dissimulation en se déguisant, qui en rayonnage, qui en plante en pot, qui en automate de prêt. Le camouflage-fauteuil, pourtant parfaitement maîtrisé, ne fut pas mis à l’œuvre en raison d’un risque élevé de plainte pour atteinte à la sphère personnelle d’autrui.

Renseignement : gagner la confiance de la cible

Une fois en position, l’objectif de chaque agent consistait à récolter un maximum d’informations sur les pratiques des usagers. Yeux et oreilles grands ouverts scrutèrent les faits et gestes du public pour en tirer les éléments d’une analyse comportementale poussée, effectuée par les puissants algorithmes du Renseignement stratégique. Bien plus, le développement d’une relation de confiance avec quelques individus choisis pour leur crédulité en fit des informateurs précieux, quoique inconscients de leur rôle dans la mission en cours.

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Mme Fatrouque s’est elle-même livrée à de fructueuses séances d’observation incognito

Bilan : les apports de l’expérience

Couronnée de succès, cette mission d’un mois a permis de dresser une cartographie détaillée des pratiques des publics de nos bibliothèques. Sans entrer dans des détails pour l’instant confidentiels, nous sommes en mesure d’en brosser à grands traits les contours, au bénéfice de la communauté professionnelle.

En premier lieu, l’usager est craintif : il préférera errer pendant des heures parmi des rayonnages hostiles, cherchant vainement un livre dont il a mal noté la cote sur un petit bout de papier, plutôt que d’affronter un bibliothécaire. Mais il est aussi rusé et sait habilement contourner les limitations posées par le règlement intérieur, par exemple en profitant de l’absence des bibliothécaires pour manger des chips là où c’est pourtant clairement interdit. Lorsqu’il doit satisfaire un besoin vital (se nourrir, aller aux toilettes ou téléphoner), ses affaires lui servent à marquer son territoire. On suppose d’ailleurs que, si certains individus se déchaussent, c’est dans le but particulièrement astucieux d’imprégner leur place de phéromones odorantes et d’éloigner ainsi les éventuels rivaux. Être social, l’usager ne se sépare jamais de son téléphone portable et se connecte fréquemment à Bookface afin d’être informé en temps réel de tout événement pouvant affecter la survie de son groupe (tel que la sortie du nouveau clip de Rihoncé ou la date de la prochaine AG). Il possède souvent une âme d’artiste, comme en témoignent les murs des sanitaires sur lesquels il laisse abondamment sa trace sous la forme de citations littéraires, de slogans politiques, d’invectives ad hominem ou d’attributs virils.

Conclusion

« Connais ton ennemi », disait Sun Tzu. Grâce à l’opération « Bibliothécaires sous couverture », c’est à présent chose faite, et le SCD de l’UBU dispose de munitions pour élaborer sa stratégie de reconquête des publics. La démarche qualité reposant sur une adaptation continue des services aux besoins et pratiques des usagers, la mission du bibli-commando n’est pourtant pas terminée. À la rentrée prochaine, ses membres poursuivront leur travail de renseignement ; travail de l’ombre s’il en est, parfois ingrat, souvent périlleux, mais garant de la puissance de notre SCD sur la scène internationale.

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